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15 avril 2007

instants... De vie.

    Vers minuit, mon collègue m'appelle du service des urgences, je suis au "lits porte" (le service d'hospitalisation des urgences). Une dame de 92 ans accompagnée de son fils va mourir, elle est dans le couloir. Je dois la prendre en charge tout de suite. Je stoppe toute mon organisation prévue et acceuil cette dame. Je la met dans la chambre qui est face à la salle de soins car je ne sais pas si son fils va rester. Je préfère l'avoir sous mon regard. Ils arrivent, je pense que cette dame souffre beaucoup, son visage est contracté, nous l'installons dans son lit avec beaucoup de précaution, après avoir fait sortir son fils. Je contacte immédiatement le médecin, pour une prescription d'antalgique, j'éspère de la morphine. J'ai travaillé en soins palliatifs et je sais que la morphine (malgré le nom qu'elle porte, mort-fine) ne fait pas mourir les gens.

    Je prends soins de cette dame, lui masse les talons, me présente, lui parle même si je ne sais pas si elle peut m'entendre. Je parle aussi a son fils, avec des mots choisis, je lui propose d'appeler ses frères et soeurs, il en a 5 et il est l'ainé. Il s'exécute, ils viendront tous demain matin. Il arrive a me faire dire que sa mère les attendra. Mais j'ajoute que rien n'est sur, des choses nous échappent. Ce n'est pas en mon pouvoir de donner un délai, je ne sait pas. Quelques minutes plus tard, le médecin vient me prescrire la morphine, je lui fait immédiatement. Très lentement évidemment, milligramme par milligramme jusqu'à ce qu'elle soit soulagée. Je sert un café à son fils, il se détends je le laisse seul avec sa mère. La confiance s'est installée. J'ai l'impression que nous sommes ensemble, nous formons une équipe.

    Le fils est assoupi et sa maman très paisible quand je repasse dans la chambre une vingtaine de minutes plus tard. Je m'occupe des autres patients. La vie fourmille. Puis monsieur m'appelle. Sa mère a craché du sang. Je l'accompagne dans la chambre. Elle s'en va. Nous sommes là, je préviens son fils que ce sont les derniers moments de sa maman. Il l'embrasse. Je reste un long moment avec eux après le décès. Il me raconte un tas de choses de sa vie avec sa mère, qu'il vouvoyait. Son père est mort il y a 18 mois, ils se sont aimés durant trente ans, elle en avait assez. Elle est encore allée a la messe il y a 15 jours avec lui. Elle a parlé avec beaucoup de ses connaissances. Son auxiliaire de vie était formidable, grâce a elle, elle a pu rester chez elle jusqu'au dernier moment...

    Je fait sortir monsieur puis ma collègue et moi préparons la dame pour que l'on puisse la "descendre". Ses enfants pourront la revoir demain. La chambre doit être prête pour un nouvelle entrée dans moins de trois heures... Je le laisse ensuite avec sa maman puis il s'en retourne chez lui après m'avoir chaleureusement remercié, et pleuré un peu. Nous nous seront la main, je ne le reverrais probablement jamais...

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Commentaires
B
Quelle histoire émouvante!<br /> Quand je pense que ma grand mère est décédée un mercredi matin vers 8h30 alors que j'allais partir pour le collège... ça fait bientôt quatre ans... On a pas pu l'assister dans son départ!<br /> <br /> Merci pour ce que vous faites dans les hopitaux pour aider les patients
N
Merci pour eux, merci pour nous... d'être là...
A
Cette histoire est emouvante<br /> Bravo pour votre travaille
É
émouvant.
L
Bravo d'aimer ton métier...<br /> Continue d'écrire c'est important de se vider après des moments comme ça... Et en plus, tu écris bien.... je te comprends car je bosse aussi dans un hôpital...<br /> Bon courage pour la suite...<br /> Laurence
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